les amis de gy association

exposition

 
 

Commissaire et rédacteur :

Professeur André Palluel Guillard


Mieux comprendre le contexte de cet événement, saisir comment il a été vécu, et en découvrir ses conséquences... tel est le but de cette exposition présentée en 2010 et maintenue depuis lors dans la salle aux colonnes de la Ferme de Gy



Ci-après vous  trouverez :


   1- L’ESSENTIEL SUR 1860 par A. Palluel-Guillard


   2- LES PANNEAUX DE L’EXPOSITION



1) L’ESSENTIEL SUR 1860

Texte préparé par A. Palluel-Guillard


Chronologie essentielle de la « réunion » de 1860 :


1831, Avènement du roi Charles-Albert

1848, Sous la pression de la rue à Turin et dans l’ambiance d’une révolution européenne , Charles-Albert accorde une Constitution (« le Statuto ») qui introduit  le principe d’une assemblée nationale élue. Le roi entreprend de conquérir la Lombardie soulevée contre l’occupation autrichienne, il attaque deux fois de suite mais chaque fois il est battu, d’où son exil volontaire et son abdication au profit de son fils Victor-Emmanuel.

1849, Seul de tous les souverains italiens, Victor-Emmanuel  conserve le « Statuto » et prend le libéral Cavour comme premier ministre, ce dernier devient le vrai maître du royaume.

Cavour veut une revanche sur l’Autriche, il entreprend le « Risorgimento » ( la renaissance nationale) , il améliore l’économie du royaume, favorise les chemins de fer, modernise l’armée mais il entend aussi réduire les privilèges de l’Eglise et surtout plaire à la France pour avoir son appui d’où la participation du royaume à la guerre de Crimée ( franco-anglaise contre la Russie) et le début du percement du grand tunnel ferroviaire du Mont-Cenis.

1858, Emu par l’attentat d’Orsini, l’empereur Napoléon III adhère enfin au vœu de Cavour en le rencontrant à Plombières (dans les Vosges) , il  accepte d’aider le Piémont-Sardaigne contre l’Autriche obligeant celle ci à céder Milan et Venise, en recevant en échange la  Savoie et Nice.

1859, Les armées françaises et sardes battent vaillamment mais de justesse et avec beaucoup de pertes les Autrichiens ( batailles de Palestro, Magenta et Solferino). Napoléon III inquiet se retire de la campagne, de ce fait l’Autriche ne cède que Milan, les diplomates oublient la Savoie.

1860, La révolte de l’Italie centrale repose la question italienne ( car les révoltés veulent s’annexer au Piémont), Napoléon accepte la nouvelle situation et l’on reprend l’idée de l’annexion de Nice et de la Savoie.

Au printemps 1860, des référendums sanctionnent les changements, la Savoie et Nice votent massivement pour la France, la Toscane pour la Piémont.

En été 1860, Napoléon III visite la Savoie enthousiaste de son adhésion à un régime si riche et si puissant, Victor-Emmanuel devient roi d’Italie (avant d’installer en 1864 la capitale à Florence). Garibaldi renverse la monarchie de Naples ( « des Deux- Siciles »)  et offre l’Italie du sud au roi d’Italie mais se pose alors la question de Rome traditionnellement possession du pape.  Cavour meurt sans avoir réglé le problème.

Pendant dix ans, Napoléon III « protège » Rome contre l’Italie qui furieuse ne vient pas l’aider contre la Prusse en 1870.

Même si l’annexion n’a pas eu que d’heureuses conséquences immédiates, la guerre de 1870-71 va permettre de vérifier l’adhésion de la Savoie à la cause française ( puis à la République) . Le tunnel du Mont-Cenis améliore les transports transalpins mais ne réconcilie pas les deux voisins qui vont rester hostiles pendant une génération…. 



La Savoie et la France


Traditionnellement les Savoyards ont  vécu les mutations politiques et militaires avec beaucoup de résignation (et d’opportunisme) et  ils sont prêts aux changements susceptibles de leur apporter des avantages matériels intéressants.


Depuis le milieu du XVIII° siècle, les émigrants savoyards partent en masse vers la France et surtout vers Paris pour des séjours plus ou moins longs qui leur font bientôt considérer ce pays comme leur seconde patrie.


De 1792 à 1815, la Savoie est annexée à la France, elle en reçoit les grandes réformes de l’époque, subissant la vente des biens nationaux, l’affaiblissement de l’Eglise et de la noblesse, certes elle souffre de la conscription  ( qui accentue l’intégration de la province avec ses soldats même si elle en perd 50.000 mais elle profite pleinement des routes transalpines et de l’essor du thermalisme )


En 1815, on perd une partie de l’élite Savoyarde qui préfère rester française et non pas redevenir « sardes » ( sujets du roi de Sardaigne), mais le régime royal sarde qui conserve les impôts, la conscription et la centralisation déçoit les Savoyards jaloux des Piémontais plus riches, plus évolués, mieux équipés et plus proches du pouvoir.  


Dès la révolution de 1848 qui veut faire prendre en compte les choix politiques du « peuple », les Savoyards se posent la question d’une éventuelle nation savoyarde ni française ni piémontaise , en fait s’ils ne savent pas ce qu’ils sont , ils savent très bien ce qu’ils ne sont pas (ni suisses, ni italiens) et ils dénoncent comme autrefois en 1792  le gouvernement turinois incapable de bien les considérer, et ils reprochent au premier ministre Cavour de leur demander plus qu’il ne leur offre et de ne pas respecter l’Eglise ( à laquelle Cavour veut enlever ses priviléges), enfin ils jugent inutiles et dangereux les projets de conquête italienne.


L’élite savoyarde ( noblesse et juristes) qui a toujours suivi le gouvernement de Turin, craint de perdre sa puissance dans un Etat italien, elle ne veut ni ne peut envisager une solution autonomiste, ni bien sûr une annexion à Genève et à la Suisse trop protestantes, de ce fait elle se tourne vers la France riche, conservatrice  et puissante du Second Empire qui en plus  a l’avantage (pour le moment) d’être cléricale.


Tout ceci explique que l’annexion à la France qui avait d’abord été souhaitée par les libéraux ( la Seconde république leur paraissant plus prometteuse que la monarchie sarde) devienne (rapidement ?) en 1860 (rapidement ?) si populaire dans une province majoritairement conservatrice d’où l’unanimité lors du plébiscite d’autant qu’il faut se faire une raison de la promesse de Cavour de céder Nice et la Savoie à la France qui viendrait aider le Piémont contre l’Autriche, d’ailleurs le roi Victor-Emmanuel a délié solennellement ses sujets de leur serment de fidélité, une nouvelle fois les Savoyards (eux réputés si fidèles) ont l’impression  d‘avoir été trahis et abandonnés par leurs « pères historiques »


Le plébiscite n’avait pas été envisagé par les diplomates, il correspond au vœu de Napoléon III de donner à sa conquête une allure démocratique ( ce que Cavour refusait ) d’autant que parallèlement les populations d’Italie centrale (puis d’Italie du sud) votaient elles aussi pour  leur annexion au nouveau royaume d’Italie.



Les grandes questions de ce transfert ( « cette réunion »)

L’évaluation du sentiment pro-français en Savoie avant 1860, si discret en apparence d’abord puis si actif dès février 1860.

Y avaient-ils d’autres solutions possibles ? une Savoie autonome ? ( personne n’y a pensé) ou une Savoie ralliée à la Suisse ( envisagée par les Chablaisiens mais refusée aussi bien par les Suisses que par les autres Savoyards ?) .

Que serait devenue la Savoie s’il n’y avait pas eu cette réunion ? ( certes au début elle a perdu ses facteurs économiques traditionnels mais elle ne s’en est pas moins considérablement enrichie par la suite, cependant elle a perdu son particularisme miné par la centralisation française ….)



Les conséquences de la réunion


La  Savoie n'a pas pardonné à la famille royale son abandon de 1860, ce qui explique qu'elle n'en voit l'intérêt historique que  jusqu'en 1860 ( et non après) d'autant que le roi d'Italie s'est opposé au pape après 1870 et a appuyé les politiques antifrançaises des gouvernements italiens en 1870-1900 et 1930-1945.


Les Piémontais et les Valdotains n'ont jamais pardonné l'enthousiasme francophile des Savoyards en 1860 qui montraient une telle indifférence à un millénaire d'histoire commune. Cette froideur renforcée par les incessants antagonismes franco-italiens explique une absence de relations qui a duré en fait jusqu'en 1960-65 ainsi qu'un mépris réciproque même s'il y a toujours eu d'inévitables relations transfrontalières et une immigration italienne étalée de 1880 à 1950/60.


La réunion a été suivie d'une intégration aussi complète que possible facilitée par un apport important et incessant de fonctionnaires français , par la conscription, par l'exode rural et le développement urbain, par le progrès de l'enseignement officiel français,  par le développement incessant des équipements et le progrès économique après 1885. La disparition progressive de la vieille société préindustrielle se relie à l'oubli du passé. 


André Palluel Guillard

professeur émérite de l’Université de Savoie



 

1860 : pourquoi, comment, et après ?